1882-2012 : 130 ans aux côtés des sapeurs-pompiers !

A l'occasion de ses 130 années d'existence, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France vous invite à (re)découvrir les concepts et moments clés qui l'ont façonnée, et font d'elle aujourd'hui encore le socle toujours plus vivant pour tous les sapeurs-pompiers. Chaque jour de la semaine, un fait marquant de son histoire vous est proposé.

samedi 24 mars 2012

[ JOYEUX ANNIVERSAIRE ]





Le commandant Wolff est le chef de corps des sapeurs-pompiers de Soissons, une ville chargée de quatorze siècles d’histoire. Il est calme, pondéré, expérimenté. C’est aussi un homme sûr, loyal. Il a été délégué à Vailly, en cette journée du 18 septembre 1881, par le gouvernement pour qu’il rende compte de l’ampleur et de la teneur du rassemblement proposé par le capitaine Charles Michel de Vailly.

Un homme étonnant ce Charles Michel, qui déjà en 1873 avait fait paraître une brochure pour proposer un projet d’organisation de la « profession » comme disaient les volontaires à cette époque. Il eût même droit à une lettre de félicitations du gouvernement. C’est un homme inspiré, énergique, au visage hiératique, fils d’un pompier héros mort au feu, et il veut fédérer les officiers et sous-officiers de son département de l’Aisne. Il les convie à Vailly ce 18 septembre.

En effet, les pompiers sont mécontents du décret de 1875, réorganisant les sapeurs-pompiers après la dissolution de la garde nationale. Ce décret a donné lieu à quatre ans d’atermoiements, de la part des responsables des ministères entre des projets de  nationalisation, de  militarisation ou de maintien dans le cadre communal, ce qui sera finalement choisi. Tout ceci, sans que les sapeurs-pompiers ne fussent entendus. Ces hommes libres, pratiquant librement de puis 100 ans un engagement citoyen au service de leurs concitoyens n’avaient pas été consultés parce qu’ils n’avaient pas d’instance représentative !

Aussi, cette invitation de Charles Michel va être débordée par ceux qui sont intéressés et vont venir de bien au de-delà des limites de l’Aisne. Ils sont quatre-vingt-treize hommes présent, plus ceux qui ne sont pas venus mais qui ont  envoyé leur proposition écrite et leur adhésion. Ils sont tous animés du sens des responsabilités qu’ils ont pris pour organiser les secours, au nom des leurs et pour les leurs. Ce jour-là, ils sont venus pour créer un espace fraternel, capable de tous les réunir et où ils s’administreront eux-mêmes, en toute liberté, selon leurs propres règles !

Depuis 1789, ces organisations fraternelles représentatives d’une région, d’un courant politique, d’une association d’hommes liés par un même but, s’appellent des Fédérations. Elles ont d’ailleurs constitué l’essentiel de l’histoire des premières années de la Révolution. Ce ne sont pas des associations, au sens du terme où on l’entend, après la loi du 1er juillet 1901, elles sont une façon de s’associer librement, pour s’organiser entre citoyens participant à un même projet. Et comme leur premier but était de se défendre contre les brigandages,  elles ont créé des gardes armées.

Et toutes ces fédérations se sont rassemblées, sur le Champ de Mars, le 14 juillet 1790 pour fonder, la Fédération Nationale, qui n’est autre que la Nation, elle-même, à laquelle avec le Roi, ils ont tous juré leur foi.  Le rassemblement des gardes constitua la Garde Nationale.

Et  bien, c’est cette idée qu’ils reprennent à leur compte les 93 pionniers de Vailly, d’autant plus naturellement qu’ils sont issus de la Garde Nationale. Ils créent donc, leur Fédération ; celle des officiers et des sous-officiers de sapeurs-pompiers de France et d’Algérie. Ils veulent une organisation libre, où ils échangeront des relations fraternelles entre pairs, une organisation qui portera la voix des pompiers de France, où ils soutiendront ceux d’entre eux qui seraient frappés par le malheur où ils  pourront partager, échanger  des expériences, en matière d’équipement, d’organisation, de formation, provenant de tous les coins de France.

Elle est spontanée, naturelle, leur démarche comme celle qu’avaient eue leurs pères quatre-vingt-dix ans plus tôt. Elle est généreuse. Elle est forte. Elle est toute dirigée vers l’intérêt général. Elle est UNIVERSELLE.

Mais les temps ont changé. Le régime autoritaire de l’empire, la défaite, les débuts hésitants, balbutiants, velléitaires d’une République, votée par défaut,  ne plaident pas en faveur d’une organisation libre. Tout ce qui provient de la Nation, dont la Fédération est une des expressions les plus pures est suspect, et potentiellement dangereux pour le pouvoir. L’Etat est réticent et son accord est obligatoire pour que la fédération soit reconnue, car il n’y a pas de loi.

Le commandant Wolff fit un rapport chaleureux sur la tenue de la réunion. Il décrivit la communion unanime qui exista entre ces hommes, l’élan irrésistible, impétueux et irrépressible qui les anima. IL relata que le Capitaine Michel avait décliné le poste de président qui échut au Capitaine Léon Pathoux de Reims. Les buts de cette Fédération étaient généreux, louables et les présents avaient été loyaux à l’égard du gouvernement. D’ailleurs, ils ne voulaient pas parler de la création de la Fédération tant qu’elle n’aurait pas été autorisée, par déférence à l’égard de l’Etat et pour ne pas le placer devant le fait accompli et ruiner ainsi la chance d’obtenir son accord.

Alors ils attendent. Le 13 mars 1882, ils savent qu’une dépêche donnant l’autorisation du gouvernement est parvenue  à la préfecture de la Marne. Le Capitaine Patoux entra en possession  de l’arrêté d’autorisation  signé du préfet de la Marne, le 24 mars 1882.

La République avait su répondre aux attentes des pompiers, reconnaissant, sans aucun doute, leur rôle premier dans la constitution du ciment social qui lie les citoyens dans leur Nation. Et puis nous sommes à une époque où le gouvernement cherche à créer un nouvel imaginaire autour des symboles républicains : le drapeau tricolore,  l’hymne national,  la fête nationale. Elle est justement là la raison majeure pour laquelle le ministère surmonte ses réticences et accorde son autorisation : elle ne peut  interdire la constitution d’une Fédération sans contredire  le Parlement,  qui quinze mois plutôt,  a choisi le 14 juillet comme date de la fête nationale, par allusion au 14 juillet 1790 fête de la Fédération Nationale.

Il est là le trait de génie sublime de Charles Michel et Léon Patoux !

Elle est dans l’assurance du résultat,  leur patience intelligente !

Alors ils laisseront à leurs successeurs le choix de déterminer la date de la fondation de la Fédération.

L’histoire retiendra le 24 mars, date de réception de l’arrêté émanant du préfet de la Marne, en symbole du loyalisme des sapeurs-pompiers, jamais départi au cours des âges  à l’égard du gouvernement de la République.

Les assoiffés de précision prendront le 13 mars, date  de la dépêche gouvernementale parvenue à la préfecture de la Marne.

Les nostalgiques et les esprits libres préfèreront le 18 septembre 1881.
Enfin, ceux qui ont besoin de tenir pour être assurés choisiront le 17 septembre 1882, date du premier congrès à Reims où le président  Pathoux après le vote de l’Assemblée constatera « que la Fédération est réellement constituée ».

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