1882-2012 : 130 ans aux côtés des sapeurs-pompiers !

A l'occasion de ses 130 années d'existence, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France vous invite à (re)découvrir les concepts et moments clés qui l'ont façonnée, et font d'elle aujourd'hui encore le socle toujours plus vivant pour tous les sapeurs-pompiers. Chaque jour de la semaine, un fait marquant de son histoire vous est proposé.

jeudi 23 août 2012

[UN NOUVEL ATOUR DE L'ENGAGEMENT CITOYEN]




La Fédération fait paraître, en 1995, un livre blanc consacré au volontariat et à son avenir où elle estime qu’avec une organisation départementale (qui sera votée en 1996) et en conséquence la remise à niveau en matériel des centres de secours et une organisation opérationnelle plus performante, avec une formation technique des volontaires à l’équivalent des professionnels (décrets de 1993 et de 2006), par un système d’indemnisation plus équitable (décret du 22/11/96), les différences entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ont vocation à disparaître et qu’à terme, on ne verra que des pompiers « à titre permanent » et des pompiers « à temps partiel ».

Par ailleurs, certains de nos plus illustres experts, témoins attentifs de la société et de ses évolutions, issus, pour la plupart des grands corps départementaux de la région parisienne, considèrent que le volontariat, tel qu’on le définit en montrant des sapeurs-pompiers d’astreinte, prêts à partir en équipes, pour sauver les autres, attachés à des valeurs traditionnelles, participant à la vie de leur amicale, distribuant les calendriers et fiers d’être membres de leur Fédération disparaissent, même s’ils concèdent que la situation évolue beaucoup moins vite dans certains départements ruraux.


La ligne fédérale de ces dernières années, sans nier, ni exclure de son cadre de pensée ces évolutions, s’est plutôt portée sur la promotion du concept de complémentarité entre sapeurs-pompiers professionnels et sapeurs-pompiers volontaires, comme originalité du modèle français des secours. Très schématiquement les sapeurs-pompiers de France œuvrent sur la base d’un engagement citoyen, sur un territoire commun, avec un même champ de compétences, les uns appuyant les fondamentaux du secours, au-delà de leur formation de base sur une formation large, polyvalente et sur l’expérience que confère la participation sur un grand nombre de missions, les autres apportant en supplément à une formation technique de base équivalente à celle des professionnels, la connaissance du terrain et toute la pratique, l’expérience de leur profession exercée en dehors de leur activité de sapeur-pompier.

La base fondamentale des sapeurs-pompiers français est l’engagement citoyen, issu des premiers temps de la Révolution et renforcé pendant deux siècles par les lois et décrets successifs qui le rappellent chaque fois avec force et vigueur. La loi du 22 juillet 2011 en est le dernier exemple. Cet engagement citoyen, on l’a raconté tout au long des pages de ce blog, a pris de nombreux atours, se modifiant, se transformant, sans forcément d’ailleurs faire disparaître les formes plus anciennes. C‘est dire son extraordinaire plasticité. C’est dire aussi comment les sapeurs-pompiers, enfants de la Nation, membres de la société civile responsable, participent aux évolutions de leur temps ! C’est dire combien ils sont acteurs d’une Modernité immanente !

Elles sont innombrables les formes de l’engagement citoyen : l’engagement spontané des garde-pompe des villes dans la garde nationale en 1789, les sapeurs-pompiers soldés des corps communaux en 1822, ceux très bourgeois de la garde nationale louis-philipparde en 1831, les premiers pompiers à temps complet en 1875, les sapeurs-pompiers à titre permanent et ceux qui ne le sont pas à partir de 1918, les officiers de sapeurs-pompiers payés (et élus) par les Unions départementales pour être les premiers inspecteurs départementaux dès 1905 (et pour certains jusqu’en 1955), les sapeurs-pompiers professionnels communaux en 1953, les sapeurs-pompiers volontaires « permanents » intégrés comme professionnels en 1992 et 1993, les sapeurs-pompiers volontaires reconnus le 22/7/2011.

Il y a les sapeurs-pompiers du corps départemental, ceux des corps communaux (CPI), ceux en double, voire en triple statut : professionnels – volontaires (14000) ; départementaux – communaux (le pompier du corps communal qui monte des gardes au centre de secours (corps départemental) voisin) ; départementaux-départementaux (à cheval sur deux départements), les sapeurs-pompiers saisonniers  partant en colonne préventive (pour les feux de forêts) dans le Sud-Est ou faisant la saison hivernale en montagne ou surveillants au bord de mer, de rivières ou de lacs ; les volontaires employés comme contractuels etc.

Tous les départements ont un ou plusieurs types de sapeurs-pompiers. Plusieurs types professionnels (quelles différences dans les spécialités, le nombre d’interventions, l’occupation en fonction des diverses affectations), plusieurs types volontaires (MM. Dartiguenave et Chevrier du laboratoire du Mana Larès n’ont-ils point dénombré quatre types dominants de sapeurs-pommiers volontaires (avec des sous-types) dans l’étude qu’ils ont effectuées au moment de la commission ambition volontariat en 2009 ?).

Le dénominateur commun de toutes ces formes de l’engagement citoyen, c’est bien la volonté d’aider les autres, de servir et de se donner. L’étincelle de la généreuse solidarité est toujours présente à l’intérieur de toutes ces carapaces administratives, le feu ardent de l’humanisme est la raison profonde, intime de cet engagement, fidèle aux valeurs de la Nation et de la République.

Et puis l’évolution sociétale est toujours en marche… Dans un contexte où les collectivités n’emploient pratiquement plus de sapeurs-pompiers professionnels supplémentaires et parfois ne remplacent même pas tous les départs à la retraite, où le volontariat ne peut pas prendre sans risquer casser le ressort de l’engagement, supporter un énième supplément d’interventions, se mettent en place petit à petit de nouvelles formes de l’engagement citoyen. Ne voit-on pas dans de nombreux corps de la région parisienne, du Sud-Est, dans des corps départementaux à forte densité de volontariat (le nord-Est) des jeunes, quelquefois diplômés du bac-pro sécurité civile, souvent anciens jeunes sapeurs-pompiers entrer comme sapeurs-pompiers volontaires dans leur petit centre de secours, aller monter des gardes dans le centre de secours principal voisin en attendant (vainement !) pour la plupart d’être recrutés comme sapeurs-pompiers professionnels ? N’y a-t-il pas de plus en plus d’agents de sécurité ou d’employés « à poste » disposant de plages de repos leur permettant de monter, comme volontaires, des gardes dans leur centre de secours ? Ils sont disponibles, ils montent de très nombreuses gardes (souvent plus que des professionnels), acceptent énormément d’heures d’astreinte, sont mobiles, œuvrent dans plusieurs unités, sont mieux formés que quiconque sur les fondamentaux grâce aux nombreuses heures de formation qu’ils suivent dans leur garde ou astreintes, sont les plus expérimentés, notamment en secours à personnes, parce qu’ils sont là, qu’ils partent les premiers en intervention parce qu’ils n’ont pas de spécialités qui immobilisent dans des équipes dédiées et qu’ils ont leur pratique professionnelle en supplément. Ce sont les meilleurs !

Bien évidemment, ces pompiers sont intéressés et font de leurs vacations un indispensable complément de revenus (quand elles ne constituent pas leur gagne-pain élémentaire), évidemment ils ont un comportement de plus en plus individuel, évidemment ils ont une attitude de consommateurs vis-à-vis de leur amicale, de leur Union et ignorent même qu’ils sont adhérents d’une Fédération !

Il y a même pis pour certains d’entre eux, les plus jeunes, ceux qui acceptent un système les exploitant dans le seul espoir de devenir professionnels parce qu’on leur en a fait miroiter la possibilité, totalement illusoire comme on le disait plus haut. Au mieux, ils quittent les pompiers après une dizaine d’années d’engagement profondément déçus, au pis ils sont aigris et prêts à tout, jusqu’à suivre les sirènes de certains syndicats de sapeurs-pompiers professionnels et à être les bras armés de certaines actions « musclées » sans s’apercevoir qu’ils œuvrent à l’encontre même de leur existence !

Mais ils sont là, par l’adaptation aux circonstances, comme l’ont été d’autres formes en leur temps ! Ces lignes ne sont pas écrites pour justifier ce nouvel atour de l’engagement citoyen, ni pour reconnaître que les prévisions de 1995 ou les sonnettes d’alarme tirées par nos experts depuis une dizaine d’années, étaient exactes. Elles sont un constat, réaliste et implacable.

La Fédération est là pour dire que toutes les formes prises par l’engagement citoyen doivent être respectueuses de l’homme, à commencer par ses serviteurs. Il n’y a pas lieu de condamner telle ou telle pratique pas plus qu’il n’y a de raison de s’y résigner, du moins à ses excès. La Fédération propose déjà des pistes, des propositions d’encadrement de cette nouvelle forme d’engagement en estimant que toute règle doit être souple permettre toute subsidiarité pour être adaptée à chaque situation, y compris à l’intérieur d’un même SDIS.

Elle est là aussi, pour rappeler qu’il n’y aura pas de solution sans que les pompiers n’y participent, sans qu’ils ne soient solidaires, sans que ne soit fort  le creuset de leur solidarité que constitue le réseau associatif de la Fédération : amicale, union, entités nationales.

Plus les forces centripètes de l’évolution, du changement, de l’adaptation iront vite et auront de puissance pour expulser les hommes, plus les forces centrifuges des vertus de Fédérer seront nécessaires et devront être fortes pour maintenir l’équilibre !

A tous de le comprendre : les pompiers qui le vivent et doivent faire vivre leur amicale, leur Union ; leurs chefs qui doivent faire ces efforts d’intelligence pour faire progresser cette consubstantialité historique du modèle français des secours entre le service opérationnel  et le réseau associatif ; les dirigeants de l’Ecole Nationale qui doivent le transmettre aux stagiaires, comme l’essence même, de leur engagement ; les élus gestionnaires qui doivent se déciller et tous voir, comme beaucoup d’entre eux déjà, la chance inouïe que constitue la prise en mains de la responsabilité des secours par les concitoyens eux-mêmes ; et les responsables de l’Etat, y compris ceux de la haute administration qui manquent de pratique de terrain, que le miracle du modèle français des secours repose sur cet équilibre !

Alors tous anticipons !

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